Le monde littéraire, bien qu’ancré dans l’imaginaire, a parfois franchi la ligne entre fiction et mensonge. Plusieurs cas célèbres ont prouvé à quel point le besoin de croire à une révélation « authentique » pouvait faire vaciller l’esprit critique, même chez les experts. En 1983, le magazine allemand Stern annonçait avoir retrouvé les journaux intimes d’Adolf Hitler. L’engouement fut immédiat, mais de courte durée : des tests révélèrent qu’il s’agissait de faux fabriqués par Konrad Kujau. Deux siècles plus tôt, James Macpherson avait prétendu traduire les poèmes d’un barde celtique nommé Ossian; en réalité, il en était largement l’auteur. Ces deux cas illustrent un attrait constant pour les mythes et les reliques du passé.
Le XXe siècle ne fut pas en reste. En 1971, Clifford Irving réussit à vendre à l’éditeur McGraw-Hill une autobiographie soi-disant dictée par le milliardaire Howard Hughes. Le stratagème s’effondra quand Hughes prit la parole publiquement pour dénoncer la fraude. La même année paraissait Go Ask Alice, prétendu journal intime d’une adolescente droguée. Ce récit, utilisé dans des campagnes éducatives, fut plus tard attribué à l’auteure Beatrice Sparks, coutumière de ce type de faux témoignage. Dans un tout autre registre, le physicien Alan Sokal fit publier en 1996 un article volontairement absurde dans une revue de sciences humaines. Ce canular intellectuel relança le débat sur la rigueur académique.
Les impostures littéraires ne datent cependant pas d’hier. La Donation de Constantin, texte utilisé pendant des siècles pour asseoir le pouvoir temporel de la papauté, fut démontée au XVe siècle par Lorenzo Valla grâce à une analyse philologique. Ce fut une révolution méthodologique, démontrant que la critique historique pouvait défaire des vérités admises. Que les motivations aient été politiques, idéologiques ou purement commerciales, ces tromperies partagent un point commun : elles révèlent notre désir collectif de croire en ce que la littérature promet; même lorsque cette promesse repose sur du vent.



