Le prestigieux Prix Giller, récompensant Anne Michaels cette année pour son roman Held, est au cœur d’une polémique. L’association No Arms in the Arts exhorte la Fondation Giller à demander à son sponsor principal, la Scotiabank, de se désengager totalement d’Elbit Systems, une entreprise d’armement israélienne. Bien que Scotiabank ait réduit ses participations dans Elbit Systems sous la pression publique, les critiques persistent, certains lauréats du Giller, comme Madeleine Thien et Omar El Akkad, dénonçant un manque d’action réelle. Ils ont même signé une lettre ouverte, affirmant que les institutions culturelles doivent se dissocier de tout financement lié à des entreprises contribuant aux violences de masse.
La controverse met en lumière des divisions profondes sur le rôle social de la littérature. Alors que certains auteurs affirment que les prix littéraires ne doivent pas être utilisés comme outils politiques, d’autres estiment qu’il est impossible d’ignorer les implications éthiques des financements. L’année dernière déjà, le Prix Giller avait été entaché par des protestations. Cette année, deux membres du jury se sont retirés, et une pétition, signée par plus de 300 écrivains, demande à la Fondation Giller de rompre ses liens avec Scotiabank et Indigo Books. Madeleine Thien, lauréate du Giller 2016, a même proposé de collecter des fonds alternatifs auprès d’anciens gagnants, une initiative rejetée par les organisateurs.
Face à cette situation tendue, Anne Michaels a pris position sur l’autonomie de l’art. Dans sa déclaration, elle a souligné que «tout ce qu’elle écrit est un témoignage contre la guerre, contre l’indifférence, et contre l’amnésie». Si certains voient en ses propos une défense de l’indépendance artistique, d’autres y lisent un appel à la solidarité envers les lecteurs et la communauté littéraire. Cependant, les débats autour du Prix Giller rappellent que la littérature ne peut jamais être entièrement séparée des questions sociales et politiques. Alors que la Fondation Giller affirme que le prix est apolitique, cette controverse relance le débat sur la responsabilité des écrivains face aux systèmes de pouvoir qui soutiennent la culture.