Les forces israéliennes ont perquisitionné dimanche deux branches de la librairie scientifique, un haut lieu culturel et littéraire en Palestine, connu pour être un espace de libre expression et de préservation de l’identité palestinienne. Depuis quarante ans, cette librairie, dirigée par la famille Muna, sert de refuge intellectuel au cœur de Jérusalem-Est occupée et de la Cisjordanie, là où l’intimidation et les tentatives d’effacement culturel s’intensifient. Située près de la Vieille Ville, la boutique de la rue Salahuddin est particulièrement prisée des Palestiniens, qui s’y retrouvent dans son café pour échanger et débattre.
Pendant la descente, la police israélienne a saccagé les lieux, utilisant Google Traduction pour examiner les titres en rayon avant d’arrêter Mahmoud Muna (41 ans) et son neveu Ahmed Muna (33 ans) sous prétexte de « trouble à l’ordre public ». Un livre de coloriage pour enfants a été brandi comme preuve d’ »incitation au terrorisme », tandis que les forces israéliennes remplissaient plusieurs sacs noirs de livres saisis. Lundi, un juge a prolongé leur détention et leur a imposé cinq jours d’assignation à domicile, invoquant la nécessité d’enquêter sur huit ouvrages confisqués. Cette attaque s’inscrit dans une stratégie systématique visant à effacer l’identité palestinienne en fermant les institutions culturelles et intellectuelles de Jérusalem-Est, occupée depuis 1967.
Ce n’est pas une première; en 2020, Israël avait déjà perquisitionné le Centre Culturel Yabous et le Conservatoire National de Musique Edward Said, confisquant documents et matériel sous prétexte de « financement du terrorisme ». Aujourd’hui, les autorités israéliennes cherchent également à fermer Al Hakawati, le Théâtre National Palestinien. En parallèle, des groupes de colons tentent d’effacer l’arabe des panneaux de signalisation à Jérusalem. Face à ces mesures, Husam Zomlot, ambassadeur palestinien au Royaume-Uni, a dénoncé « une campagne visant à censurer la connaissance et à museler la liberté d’expression ». L’ancien ambassadeur d’Allemagne en Israël, Steffen Seibert, a également pris la parole, rappelant que la famille Muna incarne « le dialogue et l’échange intellectuel ». Ironiquement, la librairie scientifique propose aussi bien des ouvrages palestiniens qu’israéliens, ainsi que des classiques de la littérature anglaise. Mahmoud Muna venait tout juste de publier Daybreak in Gaza, un ouvrage coédité avec Matthew Teller, soulignant encore davantage l’absurdité de cette répression.