Face à l’hégémonie de l’anglais dans l’édition, les médias et l’enseignement, les langues dites « petites » – parlées par quelques millions de locuteurs – apparaissent souvent vulnérables. Pourtant, l’Estonie offre un contre-exemple saisissant. Dès son indépendance retrouvée, le pays a conçu une politique publique affirmant que préserver la langue nationale revenait à affirmer une souveraineté culturelle. Auteurs soutenus, maisons d’édition incitées à publier en estonien, fonds publics dédiés à la traduction : tout un écosystème a été mis en place pour faire du livre un levier de pérennité linguistique et un vecteur d’ouverture.
L’Islande, quant à elle, a renforcé cette ambition par un attachement presque organique à sa langue. L’islandais, proche de celui des sagas médiévales, est au cœur d’un projet éducatif et littéraire cohérent. Grâce à des programmes de lecture et des traditions comme le Jólabókaflóð (« déferlante de livres de Noël »), la littérature est devenue une composante du lien social. Le soutien de l’État à la création en islandais, dès l’école jusqu’à l’édition, témoigne d’une volonté de faire de la langue une clef d’appartenance autant qu’un outil de création.
Ce qui rapproche les deux pays, au-delà de leurs contextes, c’est la recherche d’un équilibre entre enracinement et dialogue. Protéger une langue ne signifie pas l’isoler. Par une politique active de traduction – depuis et vers leur langue nationale – l’Estonie et l’Islande ont fait de la littérature une passerelle. Ces expériences montrent que la vitalité d’une langue ne dépend pas de sa démographie, mais de sa capacité à produire et diffuser des œuvres. Elles rappellent que chaque langue porte une vision du monde, et que la diversité linguistique reste un patrimoine culturel universel à cultiver.



