La progression de l’anglais, portée par les réseaux sociaux et la culture populaire – notamment américaine –, affecte les ventes des éditions locales dans plusieurs pays. Aux Pays-Bas ou en Scandinavie, où la maîtrise de l’anglais dépasse parfois celle des anglophones eux-mêmes, il devient difficile de vendre des traductions locales. Lors du Salon du livre de Thessalonique, Argyris Kastaniotis, directeur des éditions grecques Kastaniotis, a déclaré : « Les éditions export en anglais arrivent plus vite et à moindre coût que nos traductions grecques. Pour les jeunes lecteurs à l’aise en anglais, cela remet en question la viabilité des éditions locales. »
Face à cette concurrence, certains éditeurs grecs misent sur des livres au design plus soigné pour concurrencer les titres en anglais. Une stratégie esthétique qui tente de compenser le déséquilibre économique et temporel. Aux Pays-Bas, Jacoba Casier, éditrice chez De Geus, évoque elle aussi ses doutes : « Nous nous demandons parfois s’il vaut encore la peine de publier des traductions d’auteurs anglophones. » Elle souligne que sans édition locale, les auteurs ne bénéficient d’aucune visibilité dans les médias néerlandais.
Casier note aussi un paradoxe : lorsque des auteurs anglais se déplacent pour une conférence aux Pays-Bas, deux tiers des livres vendus à l’issue de l’événement sont en anglais. En l’absence d’investissements en communication des éditeurs anglophones, ce sont pourtant les maisons locales qui assurent la promotion. Une pression croissante pèse donc sur les éditeurs locaux, pris entre leur rôle de passeurs culturels et une concurrence internationale de plus en plus agressive.