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Jamila Hassoun : L’inaccessibilité des livres aux enfants m’a poussée à les leur fournir.

Fervente défenseure de la culture marocaine, Jamila Hassoun est l’une des femmes les plus actives de la société marocaine lorsqu’il s’agit de promouvoir la lecture et la connaissance mais aussi de permettre l’accès aux livres pour les enfants et les étudiants, spécialement dans les endroits où il n’y a ni bibliothèques ni écoles.

 

Lors de ses nombreuses visites dans le Haut Atlas et jusqu’au centre et au nord-est du Maroc, Hassoun a visité bien des écoles de campagne et a distribué des livres à leurs élèves. En 2006, elle lance le projet de la Caravane des Livres qui a pour objectif de promouvoir la lecture et de distribuer des livres dans les régions les plus reculées en plus d’organiser des ateliers artistiques et créatifs avec la participation d’auteurs, d’artistes et de célébrités du Maroc et de l’étranger.

 

« Nasher » a pu obtenir une interview exclusive avec Jamila Hassoun à propos de ses nombreux projets, de ses ambitions prometteuses ainsi que de sa vision qui permettent d’insuffler l’amour de la lecture et de mettre en avant son importance dans le développement des communautés.

 

*Pourriez-vous nous en dire davantage sur la Caravane des Livres, son importance et son impact depuis sa création en 1996 ?

Le projet, dans sa forme actuelle, a vu le jour en 2006 dans la librairie familiale que je dirigeais. Il est parti du constat que la majorité de nos visiteurs venaient de régions reculées (dans les montagnes et le désert). Je connaissais les difficultés auxquelles ils étaient confrontés pour se procurer un livre, dues en autres à leur éloignement par rapport à la ville et de l’absence de bibliothèques, de librairies et d’espaces culturels.

 

L’impact le plus important de la Caravane des Livres a été d’essayer de créer des liens pour combler ces vides. Je pense que la caravane est une première étape dans la démocratisation du savoir et de le rendre le plus accessible possible à ces groupes défavorisés.

 

*Le projet semble être tout autant une initiative sociale, culturelle et artistique plutôt qu’une simple « foire aux livres » ambulante. Quel est le rôle de la culture et de l’art dans le développement de la société ?

Il se peut que la caravane ressemble à une foire du livre ambulante, mais c’est avant tout un espace culturel mobile. Il ne faut pas uniquement transporter des livres et du matériel multimédia mais aussi y embarquer des acteurs de la sphère culturelle arabe et non-arabe qui assurent de nombreux évènements, conférences, spectacles et ateliers culturels dans les régions les plus éloignées.

 

*D’où puisez-vous cet enthousiasme pour ce projet ? Est-ce dû au fait que vous possédiez une librairie ou bien y a-t-il d’autres considérations à prendre en compte ?

J’ai dirigé la librairie familiale pendant plus de 20 ans comme je l’ai dit. De cette expérience est née ma motivation principale. Cela me dérangeait de voir que nos livres restaient sur leur étagère alors même que des étudiants en avaient un réel besoin. C’est donc cette carence qui m’a encouragée à m’engager dans cette voie.

 

Au début, j’avais décidé de faire ce que j’appelais une « table de lecture » : un lieu qui permettait aux lecteurs de s’assoir dans la librairie pour lire un ouvrage sans avoir l’obligation de l’acheter.

 

Avec le temps, cette table de lecture est devenue un lieu permettant la rencontre des lecteurs avec les auteurs et penseurs pour que ces derniers puissent présenter leur écrits et productions.

 

*La caravane des Livres a évolué en une aventure à la rencontre des régions montagneuses et désertiques. Ne pensez-vous pas que cela éloigne le projet de ses objectifs premiers ?

La caravane amène de nombreux artistes, intellectuels et écrivains dans les endroits les plus reculés et cela découle de notre croyance en l’importance des échanges culturels. La caravane apporte à ces habitants de ces régions montagneuses et désertiques la connaissance. En retour, ils jouent un rôle important en éduquant les visiteurs et en leur faisant découvrir la culture et les traditions locales.

 

*Comment la participation d’auteurs et d’artistes permet d’enrichir de tels projets ? Est-ce que la notoriété augmente l’intérêt pour les livres ?

En 1999, j’ai conduit un sondage sur le thème « Que veulent lire les étudiants des villages ? ». Cela couvrait un panel de 1 000 jeunes hommes et jeunes femmes, dont les réponses étaient vraiment intéressantes, puisqu’elles exprimaient leurs volontés, non seulement de lire des livres, mais aussi de rencontrer leurs écrivains, de voir et d’échanger leurs idées et leurs créations avec eux.

 

*Quels sont ceux qui accompagnent ce projet, surtout lorsqu’il est dure depuis aussi longtemps et qu’il nécessite des trajets de longues distances ?

Ce projet a débuté grâce à mes fonds personnels et aux modestes bénéfices de la librairie. Puis j’ai pu bénéficier du soutien de quelques institutions culturelles internationales, tel que l’Institut allemand Goethe. Certains ont fait des donations de livres tandis que des amis ont contribué financièrement afin de soutenir et d’assurer le transport, l’hébergement et la logistique nécessaires.

 

*Qui pensez-vous responsable de ce manque d’intérêt envers la lecture dans le monde arabe ?

Je pense que ce manque d’intérêt est le résultat de plusieurs facteurs économiques et sociaux. Bien évidemment les gouvernements doivent atteindre quantités d’objectifs concernant l’éducation et la lecture, mais la communauté aussi se doit d’y apporter sa contribution.

 

*Les femmes sont à la tête de beaucoup de projets culturels et sociaux fructueux au Maroc. Dans quelles proportions la participation des femmes marocaines aide au développement de la culture et de la communauté ?

Les femmes marocaines jouent un rôle positif dans l’agriculture et l’artisanat traditionnel et plus de leur rôle essentiel dans leur foyer et l’éducation de leurs enfants. Ce partenariat, qui peut apparaitre dans les villes comme une manifestation de la « modernité », est authentique dans la société marocaine.

 

*Pensez-vous les livres capables de briser l’isolement de ces communautés éloignées ?

Bien sûr que je crois que les livres peuvent briser cet isolement. En fait, cette idée est au cœur de notre travail et de nos ambitions.

 

*Quelle est la prochaine étape pour Jamila Hassoun ? Où vous emmèneront vos ambitions ?

 

Je crois que « La Caravane des Livres » peut se développer et devenir la source de plusieurs projets pérennes dans les villages. Parmi ceux que je développe depuis plusieurs années, figure un forum culturel annuel qui part de Marrakech, la ville, pour sillonner le désert et les villages dans le même esprit que la Caravane tout en l’enrichissant.

 

Ce forum annuel cherche à créer un renouveau dans l’espace culturel arabe et la transmission de la connaissance, et ainsi revitaliser un environnement qui stimule la créativité en hébergeant un groupe d’écrivains, d’artistes et d’acteurs de la sphère culturelle monde arabe tout en organisant des séminaires et des ateliers dans les villes et dans les villages. Ce type de forum culturel vise à remettre en question le concept de centre et de périphérie, qui n’autorise pas l’accès de la culture à ceux qui vivent dans les banlieues, et soutient le concept de démocratisation de la culture en y assurant son accès à tous.

 

Ce projet tendrait à devenir un centre culturel qui serait la source de nombreuse initiatives et activités, incluant le forum annuel. J’espère que le centre deviendra un haut lieu culturel qui rayonnera de Marrakech jusqu’aux quatre coins du Maroc, qu’il sera le point de rencontre entre le Maghreb et le Levant, et du monde entier, pourquoi pas !

 

 

 

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