Longtemps cantonnées à la marge, les femmes ont pourtant toujours écrit au Brésil, souvent sous pseudonyme ou dissimulées derrière les conventions sociales. Depuis la seconde moitié du XXe siècle, elles réinvestissent la littérature nationale, non comme voix d’appoint, mais comme figures centrales. Clarice Lispector, par son style introspectif et radicalement libre, incarne cette rupture. À ses côtés, des autrices comme Conceição Evaristo, alliant mémoire afro-brésilienne, poésie et politique, redéfinissent les contours de la littérature brésilienne contemporaine.
Ce tournant s’est accompagné de la montée en puissance d’éditeurs indépendants féministes, à l’image d’Editora Mulheres fondée en 1995 à Florianópolis. Ces maisons donnent la parole à des autrices issues de régions reculées ou de groupes minorisés, échappant aux logiques commerciales dominantes. L’éditeur devient ici acteur culturel engagé, déterminant ce qui mérite d’être publié, et pourquoi.
Malgré les avancées, traductions, prix littéraires, reconnaissance accrue, les obstacles persistent : inégalités structurelles, marketing biaisé, manque de visibilité dans les circuits traditionnels. C’est pourquoi les initiatives féministes demeurent cruciales pour soutenir ces voix. Aujourd’hui, l’édition féminine au Brésil n’est plus un courant dissident mais une force littéraire durable, refondant les rapports entre récit, langue et pouvoir.