À l’occasion du 80ᵉ anniversaire de la parution de La Ferme des Animaux (Animal Farm), Richard Blair, fils de George Orwell, a révélé dans The Guardian le rôle décisif qu’avait joué sa mère, Eileen O’Shaughnessy. Durant l’hiver rigoureux de 1943-1944, Orwell écrivait dans un modeste appartement de Kilburn, au nord-ouest de Londres, et lisait chaque soir ses brouillons à voix haute, transformant la chambre conjugale en véritable atelier critique. Plus qu’une simple secrétaire, O’Shaughnessy corrigeait, tapait les manuscrits et aurait même encouragé son époux à transformer l’essai politique initial en une « fable animalière », conférant à l’œuvre sa portée allégorique universelle.
Achevé en février 1944, le texte connut un parcours semé d’embûches éditoriales. L’alliance militaire avec l’Union soviétique rendait périlleuse toute critique de Moscou, et plusieurs éditeurs, dont Faber, conseillé par le poète T.S. Eliot, rejetèrent le manuscrit. Des voix influentes, proches du camp pro-soviétique, cherchaient à neutraliser des récits discordants. Ce n’est qu’en juillet 1944 que Fredric Warburg, directeur de Secker & Warburg, accepta de publier l’ouvrage malgré les risques, publication finalement retardée jusqu’au 17 août 1945 par les pénuries de papier liées à la guerre.
Depuis lors, La Ferme des Animaux s’est imposée comme un classique mondial, vendu à plus de 11 millions d’exemplaires et jamais épuisé. Pour Blair, l’œuvre ne se limite pas à la satire de la révolution russe ou du stalinisme : elle constitue une mise en garde intemporelle contre les dirigeants qui détournent des idéaux nobles à leur profit. De l’Europe de l’Est à la Birmanie, du Zimbabwe à l’Ukraine, son message a nourri les aspirations démocratiques. Dans un monde marqué par la montée des autoritarismes, du nationalisme et des manipulations politiques, Blair affirme que Animal Farm demeure un compagnon essentiel pour quiconque défend liberté et responsabilité.



