Depuis l’obtention du prix Nobel de littérature en 2017, Kazuo Ishiguro occupe à nouveau une place centrale dans le débat littéraire mondial. Toutefois, cette « redécouverte » ne signifie pas que l’écrivain britannico-japonais ait jamais disparu. Depuis The Remains of the Day (Les Vestiges du jour, 1989), où le majordome Stevens incarne la tension entre devoir et mémoire dans une Angleterre en mutation, Ishiguro a construit une œuvre qui interroge la temporalité et l’identité, offrant au lecteur des perspectives inattendues sur l’existence.
Dans Never Let Me Go (Auprès de moi toujours, 2005), l’auteur insère sa réflexion éthique dans un cadre de science-fiction, questionnant le destin et la liberté à travers des personnages confrontés à leur propre fin programmée. Ici, le temps n’est pas décor mais moteur dramatique : il exerce une pression inéluctable qui oblige chacun à envisager la précarité de son identité. De même, Klara and the Sun (Clara et le Soleil, 2021) confère à une voix artificielle, celle d’un robot destiné à accompagner les enfants, une puissance de questionnement sur l’amour et la loyauté, révélant l’ambiguïté entre l’humain et le non-humain.
Ce qui frappe, c’est la constance de ses préoccupations : la fragilité de la mémoire, la charge du passé et la quête d’une identité toujours recomposée. Que ce soit dans les salons feutrés d’un manoir anglais ou dans les laboratoires futuristes d’une société dystopique, Ishiguro relie ses personnages par un fil invisible, de Stevens à Klara. Redécouvrir son œuvre revient ainsi à interroger notre propre rapport au temps et à l’identité : une expérience où chaque lecture se renouvelle, portant en elle la promesse que ces récits d’hier résonnent déjà avec nos questions de demain.



