Alors que le monde, en état de choc, a les yeux rivés sur les récents évènements survenus à Kaboul, la capitale de l’Afghanistan, le monde de l’édition et des livres semble presque hors de propos. Et pourtant, si le pays veut se construire un avenir et gagner le respect d’autres pays, l’éducation doit en être la clé. La jeunesse afghane devra être instruite et l’interprétation erronée de l’Islam par les Talibans remise en cause. Pour cela, il faudra des livres, et par conséquent des éditeurs.
Parmi les tragédies de la semaine dernière, la chute de l’Afghanistan a coïncidé avec la reprise de l’édition dans le pays. D’après le New York Times, durant le règne des Talibans, de 1996 à 2001, il n’y avait que deux éditeurs : l’éditeur d’état et une maison d’édition privée, Aazem Publishing, dirigée par Dr Ajmal Aazem, un pédiatre originaire de Kaboul. Jusqu’à la fin 2001, il n’y avait qu’une seule librairie à Kaboul.
Cependant, en 2018, on comptait 22 éditeurs, et quelques 60 librairies enregistrées dans la seule ville de Kaboul. En 2010, Dr Aazem a créé l’Association des Editeurs Afghans, et en est devenu le premier président. De nombreux livres dans le pays étaient des copies piratées en provenance du Pakistan, mais il y avait aussi une industrie de l’édition légitime et en pleine croissance, et des discussions sur l’importance des droits d’auteurs.
Dr Aazem a déclaré au journal que depuis 2017, de nombreux éditeurs s’étaient développés, ouvrant des centres de distribution à travers le pays, installant soit leurs propres librairies ou fournissant des lots à des librairies indépendantes. « Il y avait cette immense demande latente après tant d’années sans aucun nouveau livre » a-t-il déclaré.
Aujourd’hui, avec l’arrivée des Talibans, cette industrie en pleine croissance est menacée. De nombreux observateurs, en particulier des femmes, sont terrifiées et pessimistes.
Sheikha Bodour Al Qasimi, Fondatrice et PDG de Kalimat Publishing Group, Sharjah, Emirats Arabes Unis, et Présidente de l’Association Internationale des Editeurs, est ardemment convaincue de l’importance des livres pour les enfants. En 2012, Sheikha Bodour a décidé de tenter de combler le déficit de financement de l’éducation et de l’alphabétisation dans les pays touchés par la guerre, en lançant un fonds grâce à un partenariat entre le Gouvernement de Sharjah et International Board on Books for Young People (IBBY). Le fonds Sharjah/IBBY Fund for Children in Crisis d’un montant de 10 millions de dollars distribue des subventions pour des projets en Asie centrale et en Afrique du Nord, au profit d’enfants dont les vies ont été brisées par la guerre, les troubles civils ou encore les catastrophes naturelles. L’Afghanistan est l’un des bénéficiaires de ce fonds.
Tous les yeux sont désormais rivés sur le pays pour voir comment les choses vont évoluer. L’industrie de l’édition espère que les livres ramèneront la lumière dans cette obscurité croissante.